Introduction intentionnelle, par Charlie Crettenand

Pourquoi un journal ?

D’abord, tout simplement parce qu’il n’y en a pas… en français. Alors que je lis avec curiosité, et souvent avidité, le “Journal International de Thérapie Narrative et de Travail Communautaire” (International Journal of Narrative Therapy and Community Work, fondé en 2002 par Cheryl White du Dulwich Centre), le “Journal Contemporain de Thérapie Narrative” (Journal of Contemporary Narrative Therapy (fondé en 2017 par David Epston et édité par ce dernier, Tom Stone Carlson, Sanni Paljakka et marcela polanco), ou encore la newsletter de Re-Authoring Teaching, je rêve depuis longtemps d’un tel support accessible aux Francophones.

Ensuite, probablement parce que je ne peux me défaire de la sensation du papier sous mes doigts et de l’apaisement des mots déposés sur une page, je propose de renouer avec cette modalité d’apprentissage et d’inspiration. Que vous l’imprimiez ou non, ce journal sera évidemment disponible en version numérique, et donnera en outre accès à des ressources pour aller plus loin.

Comme intention : faire croître, fertiliser, inspirer nos pratiques, à partir d’une posture engagée et politique, et les essaimer !

Ce journal sera : patchwork d’interventions collectives, d’idées à déplier, de poèmes, de témoignages de personnes initiées[1], de traduction d’articles inspirants, de réflexions sur notre posture d’intervenant·x·e narratif·x·ve, de documentations émouvantes…

Imagine un jardin permacole. Y entrer te donne un peu le tournis : tant de couleurs, d’odeurs, de foisonnements, de vies et d’espèces diverses qui y croissent… Tu peux le visiter par l’endroit qui te semble le plus prometteur, qui éveille ta curiosité, et y retourner quand bon te semble !

À partir des racines des pratiques narratives que ce journal aura à cœur de nourrir, son contenu y insufflera sans cesse de nouvelles énergies et perspectives rhizomatiques. Un journal pour offrir un espace d’expérimentation, de partage d’idées et de pratiques “en création”. Un facilitateur de mise en relations entre les auteurices en chemin et le lectorat afin de co-développer et imaginer des pratiques, se relier et grandir ensemble !

Ce journal comme une façon de célébrer politiquement, poétiquement, créativement et résolument la pluriversalité, la dignité rebelle et la divergence.

Pourquoi la Malice Narrative ?

Assurément, car nous en avons grand besoin lorsque nous agissons, d’une façon ou d’une autre, “au cœur du réacteur du pouvoir” (selon l’expression de Valérie Therain).

Mais au fait, qu’est-ce que la Malice Narrative ?

La Malice Narrative est née dans l’esprit de Fabrice Morand, en 2022, et visait à infiltrer le pouvoir politique commanditaire afin de permettre aux jeunes des quartiers populaires de redevenir auteurices de leurs histoires de vie.

Lors de la formation aux Pratiques Narratives de Trame Narrative (volée 2023-24), Fabrice nous en propose cette définition :

“La Malice Narrative est une approche politique stratégique
de justice sociale ancrée
dans une démarche et pratique radicalement trans qui vise à trans-former, trans-porter, trans-cender, trans-figurer les récits oppressifs en catalyseurs de mouvement, de changement, de dépassement, de création…

La Malice Narrative accompagne la posture décentrée et influente du·e·x trans-auteurice par la finesse, la vivacité, l’espièglerie, la poésie des nuances de la magie dans la faille.”

Fabrice ajoute “Je mesure aujourd’hui combien Malice Narrative se doit d’être dotée d’une véritable stratégie d’infiltration du pouvoir et d’allié·x·es puissant·x·es, formé·x·es au positionnement politique ancré”.

C’est un honneur de pouvoir inscrire ce journal dans cette démarche.

Pour qui ?

Pour toute personne intéressée par les pratiques narratives, telles qu’initiées par Michael White et David Epston dans les années 80, et par les “esprits de la narrative” qu’Epston définit comme tels : “enthousiasme, irrévérence, improvisation, imagination, juste indignation face à l’injustice, solidarité avec celles et ceux qui souffrent, créativité collective et fascination pour le mystère et la magie au cœur de la vie quotidienne. Il y en a d’autres, bien sûr.”[2]

Par qui ?

Par des personnes dont la narrative inspire les pratiques et qui souhaitent les partager. 

Déjouant les enjeux habituels de la soumission et publication dans une revue, ce journal se souhaite accueillant de la multivocalité, préférant les balbutiements d’écrivain·x·es en herbe à la posture d’auteurices confirmé·x·es, privilégiant les idées “en chemin” plutôt qu’abouties, avides de propositions à semer, y compris dans leur forme brouillonne et dynamique plutôt qu’achevée selon les règles académiques… 

Si cette première édition a été coordonnée par mes soins, glanant des articles auprès de collègues praticien·n·x·es narratix (merci à vous d’avoir relevé ce défi !), ce journal sera ce qu’on en fera.

Comment faire de ce journal une expérience relationnelle et résolument politique ?

Ce “on” à définir, ce “on” à venir, organisé en gouvernance horizontale. Si tu aimes débusquer les pépites des pratiques narratives contemporaines, (re)lire, réfléchir, écrire et/ou traduire ; et que tu te sens aligné·x·e avec les intentions de ce journal, bienvenu·x·e !

Tu veux en être ? Annonce-toi à malice-narrative (at) proton.me


[1] Ou insiders, soit des personnes concernées par une thématique et ayant de ce fait acquis une expertise et des connaissances à ce propos, en vue de favoriser l’émergence de réseaux d’entraide et d’intention (communities of concern).

[2] Préface de David Espton, Charlie Crettenand et Rodolphe Soulignac, La Thérapie Narrative : Cultiver les récits pour dignifier l’existence, Chronique Sociale, 2021, p.14.

Malice Narrative, n°1, Juin 2024

Nous espérons que vous passerez un bon et fertile moment en compagnie des idées narratives et nous réjouissons de lire vos retours : malice.narrative (at) proton.me